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 Histoire des îles de Kerkennah, archipel de Tunisie

Les travaux d’André LOUIS et l’ouvrage de Amel FAKHFAFH nous semblent deux sources importantes pour comprendre l’histoire de Kerkenah. Le chapitre d’introduction écrit par Idriss BEN HAMIDA donne de la profondeur à l’origine de Kerkennah. Nous y découvrons les différentes civilisations qui ont conduit à l’archipel de Kerkennah aujourd’hui. Nous ne prétendons pas sur Kerkenniens être des historiens mais nous souhaitons mieux comprendre ce qu’est Kerkennah et son histoire. Il nous est donc paru logique de prendre en illustration les travaux d’André LOUIS. Cet ethnologue reste en effet une référence incontournable pour voyager dans le temps sur l’archipel.

Suivez les traces de l’histoire de la méditerranée

André LOUIS Les grandes lignes de l'histoire Kerkennienne

André LOUIS Les grandes lignes de l’histoire Kerkennienne

Pour apprécier les couleurs particulières de l’histoire de la Méditerranée et de son influence sur l’archipel, entamez votre circuit dès la première heure du lever du soleil et remontez l’histoire de Kerkennah.

  • Découvrez le site archéologique de Borj El Hissar : il y a 3000 ans Kerkennah était un comptoir commercial (époque phénicienne de -1200 à – 600 ans avant J.-C.)

Commencez d’abord par rencontrer les traces de la civilisation phénicienne. Cette grande civilisation marine est venue du Proche Orient et fonda la légendaire Carthage. Elle fit de Kerkennah, la plus grande agglomération la bien nommée “Kyrakyn“, fondée sur la côte Nord-Est. Les Phéniciens lui consacrent alors un port de commerce. Kerkennah participe ainsi du développement de leur réseau de colonies et de comptoirs commerciaux.

La cité antique aquatique : trace des Phéniciens

La trace la plus intimidante et émouvante de cette époque phénicienne et de celles qui suivront, se trouve à surface d’eau. C’est au pied du Borj El Hissar que des fouilles archéologiques ont permis de stopper la disparition sauvage des vestiges. Si vous le souhaitez, prenez masque et tuba pour visiter la cité aquatique. Dans le silence des eaux kerkenniennes, vous sere le témoin de l’histoire de Phénicie.

Petite confidence : Impossible de s’arrêter sur ce site de plus de 3000 ans sans éprouver une forte émotion de l’empreinte de nos ancêtres qui sont allés et venus au cœur de la méditerranée.

Six grandes périodes de l’histoire de l’Europe, de l’Afrique et de la Méditerranée ont suivi l’époque phénicienne (1200 – 600 ans avant J.-C.). Elles ont toutes marqué Kerkennah à jamais.

  • La période carthaginoise (500 – 200 ans avant J.-C.) : sépultures, puits, citernes et monuments puniques toujours en activité 2200 ans après leur installation

Un témoignage de la vie punique à Kerkennah est la découverte d’un hypogée (crypte) sur l’île de Mellita en 1991 par l’Institut National d’Archéologie et d’Art. Un autre hypogée a été également signalé sur l’ile de Chergui, vers le Borj el Hassar, mais malheureusement, pillé.

La tombe à puits de Mellita quant à elle est plutôt bien conservée. Elle aurait plus de 2300 ans (datation entre la fin du IVe et la première moitié du IIe s. av. J.-C.). Cinq sujets sont inhumés dans la chambre funéraire et plusieurs accessoires ont été identifiés :

  • vases à vernis noir
  • lampes
  • unguentaria (fioles de parfum ou d’huile fréquentes en Italie à l’ère punique)
  • aiguille en bronze

La céramique proviendrait d’Italie méridionale, de Sicile et de la Campanie, via Carthage. Au delà de cet hypogée, la question reste posée de l’existence d’un ensemble funéraire plus vaste, restant alors à découvrir.

Sebkhas, ruines et vestiges sur les îlots

Bien avant l’invasion romaine, les traces puniques sur l’archipel se retrouvent également dans les sebkhas et sur les plusieurs îlots de l’archipel :

  • Gremdi
  • Erramadia
  • Errakadia
  • Sefnou
  • Echarmadia

Sur certains sites ont été relevés par prospection, des morceaux de céramique datés du Ve siècle av. J.-C. De même, certaines structures monumentales comme les ruines d’un mur de cinq cents mètres de long (aujourd’hui) dans la Sebkha de Khlij à Bounouma. Les ruines de Lazded (Henchir Zribi) entre Khcharem et Kraten portent les traces d’une présence punique forte de ces compétences de bâtisseur sur l’archipel.

 Histoire abrégée des carthaginois

Enfin, ces marins de Carthage en charge de puiser l’eau douce ont aussi développé de nombreux puits et des citernes encore très présentes aujourd’hui sur l’archipel. Pour accéder aux terres et aux sources d’eau douce, les carthaginois ont du braver les hauts fonds qui protègent Kerkennah des invasions maritimes. Ainsi, au Nord où les eaux sont profondes, se trouve le site d’El Hissar, Bounouma, Kraten. À l’Est qui, bien que marqué par les hauts fonds bénéficie d’un Oued (Oued-Mimoun : Zraïeb Ouarda, Oued Saâdoun-Bhiret El Abassia) et au Sud, à Sidi Hadj Ali Ettaouil (Ouled Bou Ali), on retrouve les puits encore en activité.

Puits et citerne en activité : invention punique

Les puits sont historiquement connus des pêcheurs d’éponges de Zarzis et de Djerba qui venaient en été y faire le plein d’eau douce. D’autres puits sont encore en activité. Citons celui de Zorhi au centre de l’île Chergui et 5 autres au confluent des pistes menant à Ouled Kacem et Ouled Bou Ali, mais aussi à El Aïoun, Chergui, Aïoun Zouaghi, Hamadet Jouabeur.

N’oublions pas les nombreux puits des îlots de Sefnou, d’Erramadia et de Gremdi, et Bir Errass à Bounouma connu des marins venus du Sahel. On retrouve aussi de nombreuses citernes, véritable innovation technique punique, dont la citerne d’El Ksar à Chergui où les habitants viennent s’approvisionner en eau douce.

Hannibal l’exilé, Kerkennah escale avant l’Orient

Et au delà des sépultures découvertes et des installations techniques propices au ravitaillement punique, rappelons-nous aussi du passage tactique en 195 av. J.-C., de Hannibal l’exilé, venu faire escale à Kerkennah avant de rejoindre l’Orient.

  • La période romaine (200 avant J.-C. – 500 ans après J.-C.) : refuge, grenier céréalier et escale

Kerkennah a été une île refuge du général romain Caius Julius Caesar, commandant de l’armée d’Afrique avant son retour victorieux à Rome, ou de Caius Sempronius Grachus déporté sur l’archipel pour inconduite avec la fille de l’empereur Auguste. Mais l’archipel a aussi été un grenier de céréales pour les armées romaines d’Afrique. Kerkennah a ainsi représenté une escale tactique, économique et politique durant l’empire romain.

C’est au IVe siècle que les romains ont fondé la ville de Cercina. D’après les ruines encore présentes, cette cité va du nord au sud de l’île Chergui (de Borj à Sidi Hadj Ali Ettaouil). Cette ville importante abritait un port apprécié des navires de marchandises et propice à l’amarrage des navires de guerre.

  • La période musulmane (622 après J.-C.) : convoitée de toutes parts

Kerkennah a d’abord été occupée par les Berbères, ce peuple originel de l’Afrique du Nord (avant même l’influence phénicienne). Après l’empire romain, l’archipel a ensuite été convoité par l’empire arabe. Passé sous l’administration des Aghlabides, des fatimides et des Zirides, les berbères kerkenniens ont résisté plus de 60 ans après que Djerba ait dû capituler face à Tamim Ibn El Moez. Ce 6e émir Ziride finalement n’occupa Kerkena qu’en 1098.

Des navigateurs kerkenniens hors paire

L’empire arabe englobait les 4000 km de côtes méditerranéennes. Il nécessitait des forteresses (Ribats) et une flotte de vaisseaux de mer pour protéger les côtes. L’empire puisait entre autre sa force en recourant alors aux excellents navigateurs que sont les kerkenniens. Ceux-ci participaient notamment à des excursions remarquables comme celles du début du VIIIe siècle vers la Sardaigne et la Sicile. Parmi les plus influentes expéditions dans l’histoire de la conquête arabe, citons en deux.

  • 827 : Expédition vers la Sicile sous le commandement de Assad Ibn Al-Fourat
  • 969 : Expédition conduite par Jawhar Assikili pour fonder le Caire
Kerkennah au Xe siècle dans le livre “Al Mamalik Oual Massalik”

Mais c’est surtout à partir du XIe siècle que Kerkennah apparait dans les sources écrites, notamment grâce à Abou Obeïd El Bekri dans son livre “Al Mamalik Oual Massalik” (1068). L’auteur décrit la fertilité de l’archipel, propice à l’agriculture et à l’élevage. Il confirme aussi la présence des citernes antiques. Abou Obeïd El Bekri signale au Nord-Est de l’île de Chergui, l’existence de haut-fond connu des navigateurs venant d’Orient et repérable par une haute maison antique (El Beit) dressée. S’il n’en reste plus rien aujourd’hui, le marabout de Sidi Bou Hajra, situé à Dhar El Beit conserve l’esprit du repère visuel du haut fond pour les marins.

  • La période sicilienne et espagnole  (1212 après J.-C.)  : terre de négociation entre Espagnols et Italiens

Alors que la conquête des mers devient un enjeu politique majeur, Kerkennah sera convoitée tant par la Sicile voisine, que par l’Espagne. Cette convoitise amènera les Kerkenniens à lutter, résister et capituler face au nombre de l’envahisseur. Les Normands de Sicile, d’abord avec Roger II de Sicile (1153) verront alors les kerkenniens s’insurger contre l’invasion sicilienne. El Idrissi vivant alors à la cour de Roger II de Sicile décrit ainsi Kerkennah :

“Elle est une île jolie et bien peuplée bien qu’il ne s’y trouve aucune ville. Les habitants demeurent dans des cabanes en roseaux, l’île est bien fortifiée ; elle est fertile et produit beaucoup de raisins, de cumin et d’anis.”

Puis, durant vingt années ce fut au tour de du Catalan Roger de Loria (1285) d’agir au nom de Pierre d’Aragon, pour occuper les îles Kerkenah avant de la céder avec Djerba à la Sicile. Kerkennah fut ainsi au coeur du jeu des négociations politiques et religieuses du bassin méditerranéen.

De toute part, Kerkennah convoitée entre Hafsides, Sicile et Espagne

C’est ainsi qu’en 1315 les kerkenniens après leur révolte contre les chrétiens se voient occupés par les Hafsides jusqu’au règne de Ahmed Ben Mekki. Celui-ci en se séparant des Hafsides de Tunis (1356), règne alors sur un territoire allant de Sfax à Misurata (Lybie). Kerkena et Djerba sont alors comprises dans le territoire de son règne.

Source d’eau douce : Kerkennah escale tactique

Toujours convoitée par la Sicile et l’Espagne, notamment pour ses réserves d’eau douce, les îles seront reprises d’abord par la flotte d’Alphonse V d’Aragon (1423). Appelé aussi Alfonso el Magnánimo (Le magnanime) il sera désireux de poursuivre la politique méditerranéenne de son père. Puis Jean de La Vega vice-roi de Sicile tentera une requonquête du Golfe de Gabès.

  • La période ottomane (1451 – 1923 après J.-C.) : Forteresse contre l’envahisseur d’Italie ou d’Espagne

En 1650, Jean de la Vega se heurtera à la flotte turque dont l’hégémonie en Méditerranée s’étend. Aidée par la population locale de Kerkennah, la présence sicilienne sera repoussée même si les convoitises italienne et espagnole se poursuivront encore jusu’au XVIIe siècle. Sous la présence turque et notamment avec le Sultan Harthama Ben Hayon, plusieurs villages seront construits sur la côte Sud.

Les Forts turcs : l’esprit du Caucase et de l’Asie

Afin de surveiller les tentatives d’invasions venues d’Italie (Sicile et Venise) ou de Grèce, les turcs protègeront les côtes sud de l’archipel. C’est à ce moment là que sera érigé Borj El Hissar. Il s’ajoutera ainsi aux nombreux forts turcs allant du Caucase et de l’Asie occidentale à l’Afrique du Nord jusqu’à Djerba.

  • La période contemporaine : vers l’indépendance

Kerkennah a traversé une période politique relativement calme sur le pourtour méditerranée. L’archipel a pris ses marques en tant qu’archipel paisible sous domination turque. Puis ces îles convoitées passèrent avec la Tunisie sous protectorat français au XIXe siècle (Traité du Bardo, 12 mai 1881) avant l’indépendance tunisienne en 1956.

André LOUIS carte géographique histoire Kerkennienne Kerkena

André LOUIS carte géographique histoire Kerkennienne Kerkena

Kerkennah constitue au fil de l’histoire une position stratégique pour la Tunisie. Sa position avancée en mer génère encore aujourd’hui des coopérations transfrontalières avec Malte, la Sicile, l’Europe, la Grèce et l’Orient. Le circuit découverte (Circuit archéologique & touristique à Kerkennah) mêle sites archéologiques et sites naturels. Vous serez au coeur d’une histoire vieille de 3000 ans. Découvrez des ateliers d’épicerie fine et d’artisanat. Profitez aussi de la possibilité de participer à des ateliers de confection. Vous l’aurez compris vous pourrez vous imprégner encore davantage de l’esprit de Kerkennah.
Retrouvez ou découvrez l’histoire des îles de Kerkennah, lors de votre circuit touristique et archéologique. Explorez l’archipel de Kerkennah et appréciez sa magie. Afin de vous accompagner dans l’organisation de votre séjour sur cet archipel de Méditerranée, nous vous invitons à consulter le circuit culturel. Cela vous permettra de découvrir Kerkennah autrement et à la carte.
Dernière modification : Mardi 02 octobre 2023