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Faisant écho à notre article sur “l’alcool à Kerkennah : entre tabou et partage“, nous vous proposons quelques témoignages sur la question du rapport à l’alcool sur l’archipel. La question du juste milieu se pose dans l’acte de consommation comme dans le respect des codes sociaux et moraux. Comme diraient nos anciens tant respectés, “user de tout et n’abuser de rien” ou encore “le trop et le peu gâtent le jeu“.

 Point de vue de kerkenniens

Une sortie en mer entre amis et famille peut facilement s’organiser à Kerkennah. On charge alors sur la flouka quelques sacs et glacières bien remplis puis on part vers le large. Plongeons, chansons, rires et discussions auxquels se joignent les goélands venus récupérer dans le sillon du bateau quelques grains de raisins ou morceaux de figues jetés au fil de l’eau. De mains en mains circulent les canettes de bières. Et comme certains peuvent le dire, on peut boire beaucoup… Jusqu’à “Awama, la bouteille… en trop” ! Eh oui l’excès en toute chose n’est jamais bon !

 Incompréhension de la jeunesse

C’est aussi l’incompréhension de la part de la jeunesse kerkennienne qui constate la difficulté de consommer de l’alcool sur l’archipel en dénonçant les conséquences sur le développement du marché noir où l’on peut trouver 24 bières de 24 cl entre 52,800 TND (soit 2,2 TND la canette) et 60 TND (soit 2,5 TND pendant l’Aïd Sghir et l’Aïd Kbir) contre 40,560 TND (soit environ 1, 690 TND la canette) dans un magasin à Sfax.

D’où la question qui se pose : à qui profite le crime ? Un kerkennien nous décrit l’organisation du marché noir lucratif “En ce qui concerne l’autofinancement tu trouves un groupe de 4 ou 5 personnes qui se cotisent (200 TND chacun par exemple) et avec la somme de mille dinars il achètent 24 caisses de 24 bières chacune (des canettes de 24 cl), d’où un gain de 12,240 (TND) par caisse soit 293,760 TND de gain pour les 24 caisses à départager entre 4 personnes, cela fait à peu près 75 dinars chacun en à peine 4 à 5 heures de vente et le lendemain ils augmenteront la mise et ainsi de suite jusqu’à ce qu’ils trouvent leurs capital augmenté… petit à petit...”

Une jeune femme quant à elle nous confie qu’il est mal vu de boire (ou de fumer) en public car socialement la réputation de la famille peut être mise en cause même s’il ne s’agit que d’un moment de détente et de partage convivial sans excès ni provocation malveillante. Alors nous dit-elle on prend de la distance avec cette pression à Kerkennah et on boit à la maison avec les parents d’ailleurs, pas en cachette. Et de rajouter que cela est vrai dans les familles ouvertes d’esprit, nombreuses à Kerkennah. Force est de constater le paradoxe d’une pression sociale forte alors même que dans sa grande majorité l’alcool n’est pas un sujet tabou en famille sur l’archipel. Un jeune homme nous confirme ce constat en nous disant qu’une bouteille de vin et 6 bières entre amis ou en famille, le samedi dans la maison de l’un ou de l’autre, est une pratique régulière. Mais consommer de l’alcool en public semble être devenu un tabou.

Un autre kerkennien nous dit que l’alcool devient un refuge pour les jeunes soit pour s’éclater soit pour oublier soit pour créer des rixes sous l’effet de l’alcool, qui peut, selon les croyances de la plupart des jeunes, leur donner du courage et inhiber ainsi leur peur dans des affrontements et règlements de compte. Mais sur Kerkennah, c’est en raison du peu de loisirs après le travail de la pêche marine ou de la terre (agriculture) et lors des saisons mortes, que les pécheurs et agriculteurs trouvent dans l’alcool un moment de détente. Ce jeune homme nous précise qu’“après des heures de travail… Ils se trouvent dans l’obligation de consommer de l’alcool, en l’absence de moyens de loisirs sur l’île… Donc, les jeunes commencent à se taper de l’alcool avec des quantités excessives… Pour oublier un peu la fatigue et le stress de la journée et rebelote pour le jour d’après”. 

 La filière du tourisme concernée

Le secteur du tourisme n’est pas épargné non plus par cette pression sociale puisque certains hôteliers nous confient les problèmes qu’ils rencontrent pour servir de l’alcool à leurs hôtes depuis les violences matérielles que certains ont pu subir. Combien de restaurants aujourd’hui ont exclu de leur carte, toute boisson alcoolisée par crainte de représailles ? Quand on trouve un restaurant qui sert de la bière on la trouve à 4,5 TND.

Ces constats nous invitent à nous interroger sur la manière de regarder l’Autre, sans jugement. L’acte de courage n’est-il pas d’assumer ses choix en acceptant qu’ils puissent décevoir celui qui ne les partagent pas, sans les lui imposer ? Et inversement, accepter d’être déçu des choix de l’Autre, sans qu’il me les imposent et sans rancune ?

A propos de l'auteur...

Mehdi Kachouri

Fondateur du site, Kerkenniens dans l’âme et passionné des iles de Kerkennah. Sans trop de chichi ni de paillettes, j’ai ouvert cet espace car depuis son origine, je souhaite pointer les beautés mais aussi les désastres de Kerkennah. Je vous invite à me suivre dans mes échanges si vous le souhaitez.

Comments

  1. Assia    

    Le problème c’est la licence de vente d’alcool, et la faute de l’état. Résoudre la contrebande, c’est donner une ou deux licences de vente, mais les gros bras qui en profitent n’accepteront pas de perdre ce juteux trafic d’alcool et de l’argent facilement acquis.

    1. Mehdi Kachouri    

      Assia, tu as entièrement raison, mais pour que la règle de Droit s’applique il faut aussi ce battre pour la faire valoir ! Le combat reste long et difficile mais en même temps ceux qui pointent du doigt l’Alcool en s’exclamant “harām” (péché) en profite allégrement …. Bref pas de scrupule pour les crapules !

  2. Rachida Ayadi    

    Y a t-il un cinéma à Kerkennah?

    1. Mehdi Kachouri    

      Rachida il n’y a pas de cinéma à Kerkennah… Un projet de centre de sport est en cours de construction sur Ramla avec un peu de chance il y aura la possibilité d’avoir une salle de projection… A voir.

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