Les pieds dans les herbiers sous-marins : biodiversité marine en sursis
Point commun des herbiers sous-marins : des prairies précieuses de la biodiversité
Les études scientifiques sur la biodiversité recensent 4 familles d’herbiers marins :
- Zosteraceae
- Posidoniaceae
- Cymodoceaceae
- Hydrocharitaceae
Il s’agit de plante marine à fleurs qui tapisse les fonds marins des zones côtières peu profondes. Pour cause, ces herbes ont besoin de lumière pour la photosynthèse et fournir leurs teintes vertes qui rendent les eaux cristallines à Kerkennah et dans les espaces où elles se développent. Ces prairies sont précieuses car elles constituent un habitat pour le monde vivant côtier.
A l’origine des conditions nécessaires de la vie
Elles couvrent 0,15% des fonds marins (Office français de la biodiversité). Bien que leur couverture soit insignifiante, leur présence est cruciale pour la vie. Sans elles, toute la vie sous-marine n’existerait pas. Voici leurs rôles pour la vie marine :
- Oxygéner l’eau
- Capturer le carbone
- Stabiliser les sols, juguler la vitesse des courants marins, limiter l’érosion du littoral
- Produire de la matière organique
- Fournir de la nourriture
- Constituer un espace de naissance de la vie marine : zone de frayère et de refuge
Sans prairies marines point de salut !!
Herbier de Posidonie : Une pouponnière du monde de Poséïdon
La posidonie très développée dans les hauts fonds de l’archipel est un précieux atout de la vie marine. Sans la posidonie, vous ne pourriez pas savourer les poissons cuisinés dans les assiettes des chefs des restaurants de Kerkennah. Vous ne pourriez pas apprécier la salinité salutaire de l’eau pour la peau. Il vous serait de plus en plus difficile de profiter des plages préservées de l’érosion grâce à la posidonie et ses banquettes déposées sur les plages. La posidonie est un trésor pour la Méditerranée (voir notre article La posidonie herbier ingénieur de l’écosystème marin).
Herbier Cymodocea Nodosa : un bio-indicateur de pollution
L’herbier sous-marin se distingue de l’algue en plusieurs points. Mais leur devenir est étroitement lié et constitue une clé de la biodiversité.
L’algue ne dispose ni d’organes reproducteurs, ni de racine ni de tige. A l’inverse des herbiers qui en particulier, se reproduisent à partir de fleurs et de graines. En raison de ces organes reproducteurs apparents, les herbiers sous-marins sont des plantes phanérogames. Toutefois, l’herbier Cimodocea nodosa, comme l’algue, est un indicateur vivant de la pollution. Examinons ensemble ce rôle particulier ?
Quand l’algue se développe, l’herbier disparait
Le développement des algues marines est provoqué par un environnement propice pour elles. Ce développement est souvent le résultat d’un excès de nutriment assimilé spécifiquement par les algues. Plus le milieu produit des matières nutritives, plus l’algue qui en raffole prolifère. Il s’agit du phénomène d’eutrophisation qui consiste en un enrichissement excessif en azote et phosphore du milieu aquatique. Ces nutriments proviennent respectivement des phosphates (pour le phosphore) et de l’ammonium, des nitrates et des nitrites (pour l’azote).
On retrouve des algues de différentes couleurs, rouge, brune, bleue ou verte. Leur présence et leur rôle peut se rapprocher de celui des herbiers sous-marins dans le sens où elles exploitent l’environnement. Zribi et al (2023) étudient l’impact de l’eutrophisation sur les herbiers de Cymodocea. Ces plantes disparaissent au profit des algues. En cause, vous l’aurez devinez, la pollution qui fournit les nutriments favoris des algues. Notamment, les macroalgues génèrent de l’ombre et donc d’après les auteurs, elles produisent du stress pour les herbiers qui manquent alors de lumière pour se développer. Comme le concluent les chercheurs dans leur article, il semble crucial de définir des bio-marqueurs pour identifier le stress d’occultation que subissent les herbiers et notamment le Cymodocea Nodosa.
Bio-marqueurs de stress de l’herbier et stratégie d’alliances : pas folle l’herbe des mers !
Ainsi les chercheurs proposent de mesurer plusieurs indicateurs.
“la photosynthèse, les concentrations de pigments et de glucides, ainsi que les antioxydants, l’activité enzymatique et la teneur totale en composés phénoliques, peuvent fournir une image globale de l’état de stress de C. nodosa. Dès lors, ils peuvent être considérés comme des indicateurs forts qui peuvent être utilisés comme des avertissements précoces d’un stress possible causée par C. linum (une macroalgue).
Intéressant n’est-ce pas ? Mais comme les chercheurs l’étudient dans leur seconde expérience, “les conditions stressantes et hautement compétitives pour les herbiers” sembleraient conduire ces derniers à développer des stratégies d’alliance avec d’autres plantes ! Pas folle l’herbe des mers qui partage des ressources avec des plantes voisines pour lutter contre l’ombre produite par le développement excessif de certaines algues. L’herbier pourrait aussi “augmenter le contenu photosynthétique des feuilles, en réduisant le taux de croissance et en modulant sa morphologie, quel que soit son état d’intégration”.
On voit que comme la posidonie, l’herbier Cymodocea nodosa souffre de l’impact du développement des algues, lui même induits en partie par les activités humaines (voir notre article Posidonie, Richesse ou vestige de l’anthropocène).
Zostera Marina : la cousine d’atlantique qui a failli en disparaitre
On l’appelle aussi Varech de mer. Il s’agit d’une plante aquatique vivace de couleur vert sombre qui fait partie des espèces menacées et protégées notamment dans les lagunes de Méditerranée où elle peut se développer. Mais elle a failli disparaitre de l’océan atlantique il y a une centaine d’années. On la retrouve dans les fonds marins des côtes de Bretagne, de Basse-Normandie, et dans le bassin d’Arcachon alors que ce fut une plante aquatique très développée sur toute la façade Manche et Atlantique avant sa quasi-extinction.
Biodiversité sous étroite surveillance
Échouée sur les côtes au Mexique, cette herbe des mers avait plusieurs utilisations. Sa farine nourrissait les tribus. La zostère amrine servait aussi d’engrais, d’emballage ou d’isolant. Aujourd’hui Zostera Marina fait l’objet de protection et de surveillance scientifique depuis 50 ans maintenant. Elle peut vivre en communauté avec d’autres herbiers et notamment avec Posidonia et Cymodecea.
On peut les retrouver en “banquette” sur les plages de Kerkennah. Non non ce n’est pas sale ! C’est juste de l’herbe remplie de vertus et tout un écosystème discret. Nous vous invitons à consulter notre article Une plage écologique c’est quoi ?
Biodiversité et effet Domino
Sources inspirantes : |
Office français de la biodiversité : https://www.ofb.gouv.fr/les-herbiers-marins-des-prairies-sous-marines-au-role-ecologique-considerableLlobet T., Pere R. Romero J. (2005), Les herbiers sous-marins de Posidonie, traduction R. Sraïeb-Zakhama
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