Toujours dans le thème de l’alcool sur l’Archipel de Kerkennah, nous vous proposons ici un petit condensé de quelques informations, éclairantes, scientifiques et statistiques de l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé). Pratiques de consommation d’alcool et codes sociaux varient d’un pays à l’autre. Comprendre ces spécificités et cette diversité des rapports à l’alcool nous aident, sans aucun doute, à réfléchir pour “mieux consommer” des boissons alcoolisées. Et si vous voulez approfondir la question, n’hésitez pas à consulter nos précédents articles tels que “l’alcool à Kerkennah : entre tabou et partage” ou une série de témoignages d’hommes “Témoignages de Kerkenniens“, mais aussi d’une femme kerkennienne “Femmes et alcool à Kerkennah” ou encore celui qu’on apprécie tout particulièrement sur l’histoire très très… ancienne de ce breuvage “Alcool : quelques étonnements bien corsés” qui invitent le lecteur à exercer en bon homo sapiens, son sens de la responsabilité citoyenne !
Point de vue statistique mondial
Il est bien connu que la bière est une boisson très répandue en Tunisie. Kerkenniens.com a régulièrement montré en photos, les cadavres de ces bouteilles jetées sur les rivages sauvages de Kerkennah. Voyons de plus près ce qu’il en est ici et ailleurs…
Une rapide consultation du rapport de l’OMS 2017 sur les habitudes de consommation d’alcool par pays révèle que les bières représentent 68% des boissons consommées en 2010 en TUNISIE (dernière année disponible). Les vins représentent 28% et les spiritueux 4%. Le dernier rapport 2018 de l’OMS permet de voir la consommation moyenne annuelle d’alcool par habitant. Voici une sélection de quelques pays, voisins de la Tunisie et des continents dans le monde classés par ordre décroissant de consommation annuelle d’alcool par habitant.
Pays | Consommation moyenne annuelle de litres d’alcool pur/habitant |
République de Moldavie | 15,2 l |
France | 12,6 l |
États-Unis | 9,8 l |
Chine | 7,2 l |
Arabie Saoudite | 3,8 l |
Qatar | 2,0 l |
Tunisie | 1,9 l |
Algérie | 0,9 l |
Maroc | 0,6 l |
Libye | 0,0 l |
Source : Extrait du rapport de l’OMS 2018 “World Health Statistics“, p. 33 sur données pays 2016
Ces chiffres montrent que la Tunisie consomme plus d’alcool que ses proches voisins et bien moins que certains pays d’Europe comme la France, ou des pays d’Asie, comme la Chine. Mais n’oublions pas qu’il s’agit d’indicateur d’alcool, quelque soit le type d’alcool et notamment des spiritueux qui, bien sûr, sont beaucoup plus chers dans certains pays que dans d’autres, limitant donc mécaniquement la consommation selon le pouvoir d’achat. Et n’oublions pas que ces statistiques excluent “les importations des voyageurs, la contrebande, la production locale non répertoriée, et la consommation de produits contenant de l’alcool mais qui ne sont pas destinés à la consommation humaine” (OMS, Série de Rapports Techniques, 944, 2ème rapport). Toutefois, ces chiffres donnent une idée malgré tout, des modes de consommation en lien avec les codes sociaux et culturels. La diversité est un élément remarquable de notre civilisation.
La bière en Tunisie et à Kerkennah
Si l’on en croit la revue Jeune Afrique (19 avril 2017), de 350 000 hectolitres en 1985 la consommation de bière en Tunisie a atteint plus de 1,8 million en 2016. Et d’après les récentes données financières (Agence EcoFin, 29 août 2018), la première capitalisation boursière de la bourse de Tunis est la société de fabrication de la bière incontestée tunisienne depuis 1920. Sa valorisation sur le marché se montait cet été à 4 milliards TND soir 1,45 milliard USD.
Ne nous étonnons pas donc de voir sur les bords de plage de Kerkennah, la marque phare de la bière. Vous la trouvez partout… Dans les Sebbkhas, les bord de route, mais sur les routes aussi, et bien entendu en pleine mer… Canettes nouvelle génération, bouteille en verre vert, canette rouillée peu importe, certains buveurs de bière ne se gênent pas pour les jeter n’importe où, une fois le breuvage consommé.

Consommation d’alcool et pollution du littoral, canette de bière Celtia – Kerkennah Tunisie
Ne nous étonnons donc pas de voir en ces modes de consommation d’alcool, aussi désolant pour le paysage que pour le respect des lieux partagés par toutes et tous, que certains exercent au final, une pression sociale pour réduire de tels comportements. Dommage, car une bonne bière, les pieds dans l’eau avec des amis ou en famille, peut être un vrai plaisir. Lisez à ce sujet le témoignage dans “Femmes et alcool à Kerkennah“. L’excès en toute chose n’est pas une solution ni dans l’ultra-consommation polluante et “je m’en foutiste” ni dans l’interdiction ou la prohibition forcée.
Point de vue Scientifique
De son coté, Nessim ZNAIEN, Chercheur associé à Paris Sorbonne, invité sur TV 5 de l’émission “Maghreb-Orient-Exress”, le 19 Octobre 2014 montre que la consommation d’alcool n’est pas homogène à Tunis par exemple. Il parle de “fragmentation” par quartier et constate que l’alcoolisation est avant tout masculine. Il observe que la pression du respect du code social ou religieux constitue un déterminant de cette fragmentation de la consommation d’alcool. Ainsi la “norme” sociale voudrait que :
- L’on ne serve pas d’alcool aux musulmans (Art. 317 du code pénal) ;
- La femme ne boive pas d’alcool en public ;
- Ou seulement dans certains quartiers dits “européens” ;
- Et que l’on “momifie” les vitrines de bar et restaurants durant la période de jeûn.
Selon Nessim ZNAIEN, ces pratiques sociales de consommation font de l’alcool un vecteur de socialité de chacun dans la mesure où son comportement en termes de devoirs et de convenance définit son rapport aux autres.
Assia
Il est regrettable que les jeunes (car c’est eux essentiellement qui consomment) ne prennent toujours pas conscience de la saleté qu’ils génèrent et laissent derrière après avoir fait ” la fête ”.
Mehdi Kachouri
Assia, tu as raison, mais d’après ma veille sur ce sujet, il ne s’agit pas seulement des jeunes, mais j’ai été témoin de grand parents jetant à la mer des brassées de canette vide de bière à la mer devant leur petit enfants… Il y a aussi une question de transmission.
Assia
oui, c’est aux adultes à donner l’exemple, et, il est vrai que souvent ils sont pires.