Reportage sur lâArjoĂčn et les savoirs-faire durables de Kerkennah
Tout est bon dans le palmier !
Dans ce nouveau documentaire, vous dĂ©couvrirez la filiĂšre de cette fibre naturelle de palmier qui reprend peu Ă peu sa place dans tous les moments de vie … Elle devient dĂ©coration et art de vivre Ă la kerkennienne.. mais Ă la base, elle Ă©tait le cĆur de la vie Ă Kerkennah, son poumon et sa richesse. En effet, avec tous les Ă©lĂ©ments d’un palmier, on construisait des maisons et bien Ă©videmment lâutilisation des palmes servait Ă la construction des pĂȘcheries fixes. Lâexploitation de ses moindres Ă©lĂ©ments fait que tout est bon dans le palmier. ! Et surtout, retenons que le palmier est une ressource prĂ©cieuse car il possĂšde des qualitĂ©s de durabilitĂ© et de respect de l’environnement qui restent inĂ©galĂ©es.
Quand la nature nous donne tout ce quâil faut
Mabrouka Khedir revient avec ce nouveau reportage toujours aussi engagĂ© sur lâenvironnement de Kerkennah et la fragilitĂ© de son patrimoine remarquable. Son documentaire est en particulier dĂ©diĂ© Ă la traditionnelle Drina, bien connue de la pĂȘche artisanale dans lâarchipel tunisien. Loin de se contenter de dĂ©crire cette technique, Mabrouka part Ă la rencontre des pĂȘcheurs de cĆur kerkennien pour comprendre les enjeux majeurs auxquels les pĂȘcheurs mais aussi lâarchipel tout entier, doivent faire face.
Kerkennah sous lâĆil de Mabrouka
Dans son reportage, Mabrouka capture les paysages de Kerkennah tout autant que les regards et le cĆur des kerkenniens et kerkenniennes. InterrogĂ©.e.s par la journaliste, ils et elles lui confient leur tradition de la pĂȘche Ă la Drina et la Charfyia grĂące au palmier tressĂ©, lâArjoĂčn. VĂ©ritable ressource naturelle et stratĂ©gique, la fibre naturelle de palmier constitue un Ă©lĂ©ment essentiel du patrimoine culturel et immatĂ©riel Kerkennien.
LâArjoĂčn et plus globalement le palmier sont deux trĂ©sors pour la vie sur lâarchipel. Le palmier permet lâextraction artisanale de la boisson Legmi typique de Kerkennah. Lâarjoun et la feuille de palmier permettent la fabrication des charfyia et des drina (nasses) pour capturer le poisson dans les meilleurs conditions de prĂ©servation de lâĂ©cosystĂšme marin. Or aujourdâhui, le plastique et lâindustrie de la pĂȘche semblent vouloir supplanter ces chambres de capture naturelle avec un impact nĂ©gatif de long terme sur lâĂ©cosystĂšme marin. Car faut-il le rappeler, le plastique dĂ©vaste tout sur son passage. Il dĂ©truit environ 1 mĂštre carrĂ© de posidonie et de vĂ©gĂ©tation dĂšs quâil se dĂ©pose sur les fonds marins pour plusieurs centaines dâannĂ©es avant de se dĂ©tĂ©riorer !
Le plastique est bien peu glorieux contrairement Ă la performance Ă©cologique de lâArjoĂčn qui en tant que fibre naturelle, en se dĂ©composant (rapidement) apporte aussi un bienfait au sol. Câest lâun des messages du reportage de Mabrouka.
ArjoĂčn : Rendre compte de lâavis des anciens
Le reportage donne la parole au pĂȘcheur traditionnel et aux kerkennien.ne.s engagĂ©.e.s dans lâexploitation des fibres naturelles de palmier. Ils nous livrent leurs inquiĂ©tudes quant aux pĂȘches sauvages, industrielles aux effets dĂ©vastateurs pour la faune aquatique. La richesse halieutique de Kerkennah se meurt sous les yeux des pĂȘcheurs traditionnels qui recourent au tressage des branches (ArjoĂčn) de palmier pour capturer, dans les drina des charfyia le poisson prĂ©levĂ© ainsi en quantitĂ© limitĂ©e et toujours en vie lors du prĂ©lĂšvement, ce qui naturellement permet de conserver toute sa richesse nutritionnelle et gustative.
Ce tressage, vĂ©ritable savoir-faire kerkennien est une source de dĂ©veloppement durable et Ă©conomique car il permet de fournir des articles de pĂȘche mais aussi de dĂ©coration et de mobilier comme le montre le reportage. Pour prĂ©server la faune et la flore, on revient peu Ă peu Ă la tradition et les nasses Ă base de fibre de palmier, lâArjoĂčn deviennent un outil prĂ©cieux. MĂȘme si le prix reste supĂ©rieur Ă celui dâune nasse en plastique, la traditionnelle drina donne un Ă©co-rendement bien plus intĂ©ressant.
 “Ce qui est peu cher, Ă force, devient plus cher”.
Comme le dit l’adage « ce qui est peu cher, Ă force devient plus cher ». Il ne faut pas rĂ©flĂ©chir Ă court terme mais Ă long terme mĂȘme si cela reste un Ă©lĂ©ment peu convainquant quand on est dans le besoin. NĂ©anmoins, il reste encore des personnes sur les Ăźles de Kerkennah qui gardent ce patrimoine et sont prĂȘtes Ă le partager avec toute personne qui souhaite apprendre Ă rĂ©aliser des nasses Ă base dâArjoĂčn.
En soulignant lâintĂ©rĂȘt pour les plus jeunes de prĂ©server ce savoir-faire Ă partir de matiĂšres naturelles locales, Mabrouka nous livre un second message relatif Ă lâĂ©co-tourisme et Ă un dĂ©veloppement Ă©conomique de la durabilitĂ© sur Kerkennah. Sous lâeffet du rĂ©chauffement climatique, de la pollution plastique et de la pĂȘche industrielle, seuls les savoirs-faire Kerkenniens peuvent apporter une rĂ©ponse Ă la dĂ©sertification des fonds marins, Ă la sauvegarde des 160 kilomĂštres de littoral et au renouvellement des palmeraies fortement affaiblies et endommagĂ©es alors quâelles fournissent une richesse incomparable pour les kerkenniens. Comme le rappelle Mabrouka dans son documentaire, la sauvegarde du littoral de Kerkennah est impĂ©rative car les cĂŽtes subissent une Ă©rosion dommageable par la montĂ©e des eaux. La salinitĂ© spĂ©cifique de cet archipel et lâĂ©lĂ©vation de la tempĂ©rature de lâeau fragilisent lâĂ©quilibre marin au point de voir une part non nĂ©gligeable de la faune disparaitre (60% dâaprĂšs Mabrouka Khedir).
Pourquoi voir ce documentaire ?
Ce film propose une sensibilisation aux effets nocifs pour Kerkennah, du recours aux drina en plastique dans les pratiques de pĂȘche. Nous ne pouvons que vous inviter Ă regarder avec attention son documentaire, riche dâenseignement et de tĂ©moignages des anciens comme des plus jeunes qui veulent sâinspirer de leur aĂŻeux pour sauver les savoirs-faire kerkenniens et Ă©couter la sagesse des anciens pour protĂ©ger en mĂȘme temps la vie sur lâarchipel.
Ce documentaire a le mĂ©rite de redonner la place aux valeurs de nos grands-parents. Nous espĂ©rons quâil donne l’envie aux nouvelles gĂ©nĂ©rations de faire perdurer cette tradition qui honore le palmier en exploitant l’ensemble des ressources quâil possĂšde. Cela ne peut que nous inviter toutes et tous Ă respecter ce roi de Kerkennah, car le palmier est source de richesse et gardien du littoral. En ce sens, Kerkennah est une terre de gratitude.