Passée sous silence, deux dates 2010 et 2016 : Désastres noirs
Revenons sur deux événements qui se sont passés sous les radars des médias et même des Kerkenniens… Deux marées noires sur les côtes de Kerkennah qui semblent devenir une zone industrielle plutôt qu’une zone touristique et de pêche. Qui est au courant ? Et parmi celles ou ceux informé.e.s, qui fait savoir ce qui se passe ? Qui ose informer de la situation irresponsable dont l’île est victime ?
Dédommagement de pacotilles pour acheter le silence de quelques uns, menaces bien comprises sur une poignée de kerkenniens qui finalement décident de partir vers l’Est, laissant leur terre et leur mer natales derrière eux, mourir à petit feu. Aveu d’impuissance face à l’industrie pétrolière qui, sans scrupule, puise les ressources de valeur et détruit tout autour les ressources indispensables des habitants. Un colonialisme qui ne dit pas son nom !
… Et le danger court toujours !
Depuis ces accidents écologiques marins désastreux, l’organisation de l’activité de prospection, d’extraction et d’exploitation des ressources gazières et pétrolières à 5 km des côtes de Kerkennah ne semble pas avoir évolué. Les pouvoirs publics, obligés par la loi, de protéger l’environnement ne semblent pas avoir pris la mesure des actions préventives requises face à de futurs désastres écologiques. Maintenance, contrôle et surveillance, séparation des rôles pour éviter les conflits d’intérêts, rien ne semble avoir été fait. Attendons-nous à une prochaine marée noire, et pendant ce temps, la terre et la mer continuent de souffrir, et l’homme avec elles !
Nos supers ingénieurs pétroliers seraient-ils incontinents ? Car les fuites sont régulières et fréquentes ! Le sachant, l’entretien des infrastructures est la première action à mener. Mais il est vrai que le coût supplémentaire réduirait la rentabilité de l’activité. A la privatisation des bénéfices, on répond par la socialisation des pertes, celles provoquées par le coût écologique des désastres successifs dont il est fort probable qu’ils se produisent encore ! Encore et encore la fin justifie les moyens.
Le réveil écologique de l’État tunisien est-il perdu ?
Interrogeons-nous sur la valeur comparée qu’aurait à gagner l’État tunisien, produite par la terre et la mer de Kerkennah en tant que zone protégée et la valeur actuelle de sa destruction ajoutée à la valeur de la rente de situation de TBS/ETAP devenu TPS (Après les cessions successives de parts entre compagnies pétrolières anglaise, allemande et suédoise). Serait-il plus profitable de préserver un archipel d’exception à l’heure des ODD 2030 des Nations Unies et de l’urgence climatique ou de le transformer en zone industrielle polluée ? La réponse se trouve dans les quatre Objectifs 14-15-16-17 de l’engagement dans le développement durable.
A l’heure où la terre brûle, où le réchauffement climatique appelle l’audace des gouvernements, Kerkennah est à la croisée des chemins. Devenir une zone industrielle abandonnée de ses habitants, polluée sur ses îles et dans ses eaux de posidonie, véritable pouponnière de méditerranée ou devenir un archipel protégé, préservant les ressources vitales de la mer nourricière pour Kerkennah, pour Sfax, pour la Tunisie et l’ensemble du bassin méditerranéen.
Oui une raison de plus d’appauvrir la richesse de la mer, mais pas la seule !
Nous entendons certains dire que s’il n’y a plus de poissons à pêcher c’est en raison de ces pollutions répétées. Certes, nous ne pouvons que souscrire à cette désastreuse réalité et dénoncer l’irresponsabilité et l’arrogance des multinationales polluant les mers et les côtes, laissant indifférents, les pouvoirs publics en charge de la protection du territoire et de leur population.
Toutefois, nous ne pouvons pas considérer que la disparition progressive et visible de la faune aquatique provient exclusivement de ces marées noires passées sous silence. D’autres facteurs explicatifs sont à l’œuvre. La surpêche, les chalutiers KIS spécialement de petites tailles conçus pour aller racler les fonds marins dans les mers peu profondes de Kerknenah n’échappe malheureusement pas à cette rafle ! Pourtant cette technique de pêche en Kis est interdite car ceux qui la pratiquent sont clairement des destructeurs de la posidonie, berceau de la vie marine. A cela ajoutons aussi le massacre des tortues et la pêche intensive de poulpes. La responsabilité est de chacun dans cette dramatique extinction de la richesse marine. Il est grand temps d’en prendre acte !
Sans porte-voix, aucun éveil des consciences
Nous nous remémorons un jour de promenade sur la plage entre Ouled Kacem et Ouled Yaneg en 2017. Nous marchions en famille et soudain nous vîmes une, puis deux, puis une succession de galettes de mazout sur la plage. Nous ne comprenions pas car rien n’était visible en surface d’eau. Nous pensions alors qu’il s’agissait de rejets de dégazages sauvages. Nous étions loin de savoir la vérité qui pourtant était connue sur l’archipel. Mais le silence régnait. C’est avec le film Fuel fishing réalisé en 2017 mais découvert récemment grâce à notre rencontre avec Mabrouka Khedir que nous savons finalement.
Pas de porte-voix où si faible compte tenu des pressions et de la manipulation par la peur. Ceux qui ont essayé sont partis. Il n’y a donc aucun éveil des consciences…. un désintérêt avéré des kerkenniens qui ne sont pas au courant ou qui détournent le regard en silence.
Pourtant nos grands-pères kerkenniens savaient…
Pourtant, souvenons-nous de nos grands pères qui pratiquaient à Kerkennah une pêche intelligente, déplaçant leurs filets pour ne pas prélever dans la même zone, et rejetant systématiquement, les petits poissons à la mer. Être en gratitude face à l’abondance était une évidence. Protéger ces ressources communes était une évidence. Ils n’attendaient pas le désespoir pour agir.
N’est-il pas temps, cher.e.s Kerkennien.ne.s ? Ouvrons nos consciences, regardons en face le désastre qui se déroule sous nos yeux. Car si nous attendons le regard vers ailleurs, il sera trop tard et alors nous n’aurons plus que nos yeux pour pleurer !
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