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Portunus, de son nom scientifique est un crabe de la famille des Portunidae. Si on en croit les articles académiques ce crabe est connu des pêcheurs depuis les années 50 en Méditerranée mais son espèce semble s’étendre au point de le considérer comme une des 100 espèces les plus envahissantes de la grande bleue, aux conséquences problématiques pour les écosystèmes en place, notamment depuis 2014 en Tunisie dans le Golfe de Gabès. Toutefois, il suffit de changer une seule lettre pour que Portunus devienne Fortunus ^^
Voici en 2 chapitres (Histoire du Crabe Bleu de Kerkennah; Zoé : l’origine du crabe bleu (Portunus segnis) de Kerkennah), l’histoire de cette mystérieuse star bleue des mers et des océans du globe.

Origine du Portunus segnis dit le crabe bleu ou “Daech”

Cette espèce de crabe dont la (les) couleur(s) remarquable(s) ne peut(vent) que nous séduire, comporte près de 100 espèces déclinées en différents sous-genres. Il s’agit d’une étrille c’est-à-dire d’un crabe à pattes postérieures aplaties en palette, “parfaitement conçu” pour s’accrocher aux filets et aux nasses, au grand dam des pêcheurs qui, au lieu de changer leurs filets tous les 2 ans, doivent en changer 2 à 3 fois par an et subissent un temps de démaillage allongé et douloureux pour les mains ! Face à un tel destructeur, son surnom a été vite trouvé par les victimes du secteur de la pêche. Portunus se voit affubler du surnom de Daech. Comme tant d’autres espèces vivantes avant lui, serait-il un nuisible à éradiquer ?

Commençons d’abord par comprendre qui il est ! A l’origine, Portunus serait une espèce indo-pacifique et de la mer rouge. Vous allez nous dire, mais alors comment a-t-il fait pour se déplacer et venir jusqu’au Golf de Gabès (Tunisie) ? C’est ce que nous allons tenter de démêler ensemble dans cet article….

Si nous pouvons bien entendu, trouver des explications scientifiques sur les migrations d’espèces induites par l’évolution de facteurs environnementaux (climat, déséquilibre de l’écosystème d’origine) ou la présence d’espèces que l’on peut ignorer jusqu’à leur découverte par quelque équipe scientifique passionnée, nous allons plutôt ici vous raconter une histoire… Comment Portunus segnis, le crabe bleu, crabe batailleur vorace et hyperactif, est arrivé sur les côtes tunisiennes ?

En aucun cas scientifique mais inspiré cependant par les travaux des chercheurs, notre petite histoire a pour but d’éveiller les consciences sur la fragilité de notre écosystème en raison de l’interdépendance au sein du vivant. Ainsi, en reprenant les travaux de Marouène BDIOUI, chercheur à l’INSTM (2016), nous apprenons que notre crabe bleu est apparu en 2014 dans le golf de Hammamet et son expansion se déroula entre 2015 et 2016.

D’après les pêcheurs de Kerkennah, le crabe bleu a montré le bout de son nez entre 2016 et 2018 avec une particularité remarquable, il était visible une année sur deux… A partir de 2018, sa prolifération tout au long de l’année, en plus ou moins grande quantité, commence à perturber un système piscicole plutôt établi et connu.

Une hypothèse de l’origine de l’invasion…. de Portunus, crabe bleu

On raconte que ce sont par bateaux que Portunus serait venu sur le port de Sfax ! Non, non pas à la nage ! Bien connu pour son activité portuaire commerciale, Sfax est un comptoir stratégique de transport maritime. Les navires commercent avec la Tunisie, l’Afrique et le reste du monde (périmètre important pour la suite de notre histoire) !

Portunus serait apparu sur le port de Sfax par navire commercial sans que personne ne s’en aperçoive ! Malin ! Mais comment cet agent spécial, si bleu, a-t-il pu passer sous les radars ? Voici une piste… Tout bateau commercial possède des eaux de ballast… De quoi s’agit-il ? Il s’agit de l’eau contenue dans des réservoirs de très grand volume intégrés au navire. Ce poids supplémentaire ajouté au vaisseau lorsqu’il charge et décharge sa cargaison est indispensable pour maintenir sa stabilité et optimiser sa navigation. Vous savez ce sont ces grands volumes d’eau qui, lors de la vidange, sont expulsés des flancs de navire en jets d’eau puissants, rasants plus ou moins la surface de la mer et se vidant en elle. Cette opération de déballastage contient moult espèces vivantes, livrées lors du ballastage (remplissage des réservoirs avec de l’eau de mer). Ainsi les ballasts deviennent des navettes spéciales du microbe, aux œufs jusqu’à beaucoup plus gros.

Vous avez compris où nous voulions en venir. Avant 2014, aucune convention en vigueur n’existait pour réglementer le remplissage ou la vidange des ballasts (Cf. La Convention pour la Gestion des Eaux de Ballast de l’Organisation maritime internationale, OMI). Cette organisation “chargée d’assurer la sécurité et la sûreté des transports maritimes et de prévenir la pollution des mers par les navires”, avait bien initiée une convention en 2004 portant sur “le contrôle et la gestion des eaux de ballast et sédiments des navires”.

Toutefois, cette convention dite BWM n’est entrée en vigueur que 13 ans plus tard…, en 2017 ! De quoi mélanger les espèces marines de toutes les eaux de notre planète bleue, devenue véritable “shaker des mers”, les échanges maritimes en plus de transporter nos produits de consommation venus de loin, transportent aussi de potentiels imposteurs des écosystèmes locaux.

Regardez cette vidéo ci-dessous proposée par l’OMI, elle dit tout de ce phénomène insidieux et des “standards” attendus d’ici 2024 pour toute la flottaison mondiale (Protecting the oceans from invasive aquatic species).

Tel le ver dans la pomme, ou le colon épris de nouveaux horizons, Portunus a voyagé gratuit en bateau par delà les mers, déversé au gré des déballastages dans des eaux inexplorées pour lui et devenant le nouveau Christophe Colon des mers et des littoraux conquis par le jeu des vaisseaux de transport ! Le crabe bleu devenu “star du shaker cocktail des mers du globe” en attendant d’en découvrir peut-être d’autres…

 

Crabe bleu sur le dos Portunus segnis pêche du jour avec une drina

Crabe bleu sur le dos Portunus segnis pêche du jour avec une drina

 

Petite illustration, un jour de pêche à Kerkennah avec le crabe bleu

Voici en images, un exemple de pêche du jour sur une pêcherie fixe de Kerkennah. Quelques photos pour montrer l’ampleur de la présence des crabes bleus dans l’écosystème et la disparition des espèces natives… Très peu de poissons ce jour-là dans les filets. En revanche, le crabe bleu composait 96% de la pêche du jour.

Suivez-nous dans le chapitre suivant qui va vous raconter comment une petite larve de Portunus segnis a traversé les océans pour atterrir à Kerkennah… Vous êtes curieux de connaitre la suite ? Nous vous invitons à suivre ce lien Zoé : l’origine du crabe bleu (Portunus segnis) de Kerkennah pour connaitre la suite de notre histoire sur le crabe bleu de Kerkennah celui qu’on appelle aussi le Portunus segnis dit le crabe bleu ou “Daech”.
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A propos de l'auteur...

Mehdi Kachouri

Fondateur du site, Kerkenniens dans l’âme et passionné des iles de Kerkennah. Sans trop de chichi ni de paillettes, j’ai ouvert cet espace car depuis son origine, je souhaite pointer les beautés mais aussi les désastres de Kerkennah. Je vous invite à me suivre dans mes échanges si vous le souhaitez.

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