Herbier de Posidonie, source de vie
Variation climatique : une fragilité accrue pour les ßles
Alors que la contribution des Ăźles aux effets de serre est marginale, les consĂ©quences des dĂ©rĂšglements climatiques globaux ont quant Ă eux, des consĂ©quences importantes sur les Ăźles et notamment sur les Ă©cosystĂšmes marins. C’est l’effet papillon ! La pollution dĂ©mesurĂ©e des zones industrielles dans le monde impacte silencieusement l’Ă©quilibre naturel des petites Ăźles discrĂštes et comparativement, peu Ă©mettrices de CO2. Kerkennah ne fait malheureusement pas exception.
Nous dĂ©noncions dĂ©jĂ en 2015 la richesse et la fragilitĂ© du monde marin kerkennien en dĂ©plorant l’impact anthropique sur place. Voici quelques articles qui mĂ©ritent d’ĂȘtre relus Ă ce sujet. Sujet qui continue imperturbablement d’ĂȘtre d’actualitĂ©.
- Kerkennah ne meurt pas, Splendeur et décadence
- ou encore en 2016 Lorsque les impunis nâauront plus rien Ă dĂ©truire, Kerkennah, victime d’une marĂ©e noire jugĂ©e “non catastrophique”
- et tout récemment en 2022 Fuel fishing, le reportage éclaboussant de Mabrouka Khedir
Principaux facteurs humains de détérioration de son espace vital
Plusieurs perturbations de notre écosystÚme global sont observées et ont des réalités bien concrÚtes à Kerkennah en particulier.
- Invasion biologique, comme le crabe bleu bien connu du Golfe de GabĂšs
- Pollution terrestre et marine comme le plastique qui envahit terre, mer et tue les animaux marins et leur espace de vie
- Ărosion ou dĂ©clin massif de la biodiversitĂ©, comme l’appauvrissement des Ă©cosystĂšmes entourant les coraux ou la posidonie qui sont sensibles aux variations de tempĂ©rature et du niveau des eaux
- Ăpuisement par sur-exploitation (usage massif et intensif) des ressources naturelles, comme les poissons pĂ©chĂ©s au chalut destructeur du berceau de vie de la faune et de la flore aquatique
Affronter la tragique hypothĂšse de Darwin
Une des conséquences majeures du réchauffement climatique est la montée des eaux. Elle impacte trÚs directement les ßles et notamment les plateaux de hauts fonds, comme à Kerkennah. Quelle conséquence ?
Certaines variations peuvent entraßner la disparition des individus concernés
La montĂ©e du niveau des mers modifie la spĂ©cificitĂ© de l’Ă©cosystĂšme des hauts fonds (plateaux marins, eaux peu profondes). Par exemple, la Posidonie qui vit Ă fleur d’eau, a besoin de lumiĂšre pour vivre et fournir au biotope marin son Ă©quilibre vital. En ce sens, la posidonie est une espĂšce clĂ© de l’Ă©cosystĂšme marin de Kerkennah. La montĂ©e des eaux nuit Ă sa persistance.
Les perturbations que nous connaissons gĂ©nĂšrent un stress Ă la Posidonie qui pourrait bien nous couter la vie ! En effet, la perturbation de son environnement induit des variations nuisibles pour l’ensemble de l’Ă©cosystĂšme marin qui en dĂ©pend. Une montĂ©e des eaux appauvrit, et Ă terme, potentiellement, dĂ©truit les bio-ressources dont nous dĂ©pendons aujourd’hui. Qui n’a pas l’image choc des rĂ©cifs de coraux morts, dĂ©nuĂ©s de toute vie autour. Des cimetiĂšres aquatiques qui font pleurer les plongeurs amoureux des fonds marins colorĂ©s, vivants, riche d’une biodiversitĂ© digne d’un paradis perdu. C’est un effet domino sur la biodiversitĂ© dĂ©finie comme l’ensemble des espĂšces et leur renouvellement dans un Ă©cosystĂšme donnĂ© et entre Ă©cosystĂšmes.
Stress de la Méditerranée : un crach test grandeur nature
Or savez-vous que la Méditerranée est un bassin précieux de diversité aquatique ? Sa composition mérite un détour. La méditerranée est un trésor de la Vie :
- 200 000 espÚces animales identifiées
- 15 lignées (Phylum) endémiques sur 33 connues (dont 32 présentes dans le milieu marin)
- 13 200 espÚces de poissons recensées dont 80% en zone cÎtiÚres !
- 18% d’espĂšces sont en eaux profondes
- 2% d’espĂšces sont Ă©pipĂ©lagiques (vivant dans la couche marine superficielle entre 0 et 200 mĂštres de profondeur)
- Son littoral est de 46 000 km, faisant de la Méditerranée, la plus grande mer semi-fermée au monde
- Elle ne représente que 1% des eaux de la planÚte mais sa biodiversité en fait une mer sacrée enfermant 4 à 18% des espÚces connues à ce jour sur la planÚte bleue !
Mais la MĂ©diterranĂ©e est un trĂ©sor de vie menacĂ©e. D’aprĂšs l’Ă©tude sur 30 ans de l’Institut de recherche pour la conservation des zones humides mĂ©diterranĂ©ennes, les suivis d’abondance de plus de 80.000 populations animales font apparaitre des statistiques qui interpellent :
- Baisse de 20 % (pĂ©riode : 1993 – 2016) des populations vertĂ©brĂ©es du bassin mĂ©diterranĂ©en
- Baisse de 52 % dans les écosystÚmes marins (pélagiques et cÎtiers)
- Baisse de 90% de la seule population du thon rouge (de 1995 Ă 2007, la biomasse de thon rouge s’est appauvrie chaque annĂ©e de 50.000 Ă 61.000 tonnes au titre de la pĂȘche industrielle)
- On notera aussi une baisse de 28 % dans les Ă©cosystĂšmes d’eau douce (zones humides et riviĂšres)
Et oui, la connaissance vaut mieux que l’ignorance pour prendre conscience du monde vital dans lequel nous agissons.
The Fittest Survives
Pas sĂ»r donc que l’homme domine en vĂ©ritĂ© l’environnement. Le faisant disparaitre, il provoque l’extinction de ce qui le maintient lui-mĂȘme en vie. Comme le dĂ©montre le rapport de Chatenoux et alii (2015, p. 5), “la seule possibilitĂ© dâadaptation (aux changements climatiques) consiste Ă rĂ©duire les impacts localement induits, par une meilleure gestion et prĂ©servation des ressources naturelles”.
S’adapter ou mourir, Darwin concluait ainsi sur la maxime bien connue “The fittest survives”. Kerkennah fera-t-elle preuve de rĂ©silience adaptative ? Qu’en sera-t-il de sa posidonie, vĂ©ritable pouponniĂšre du monde marin ?
La suite dans un prochain article.
Sources exploitées : |
Bouchard Bastien E. (2017), “Lâimpact anthropique des changements climatiques : nouveau constat scientifique ?” https://www.inspq.qc.ca/bise/l-impact-anthropique-des-changements-climatiques-nouveau-constat-scientifiqueChatenoux, B., Allenbach, K., Peduzzi, P., Lafitte, A., Touzi, S. & Ben Zakour, M. 2015. IntĂ©gration de la variabilitĂ© et des changements climatiques dans les stratĂ©gies nationales GIZC : Contribution Ă lâactualisation du plan de gestion intĂ©grĂ©e des zones cĂŽtiĂšres de lâarchipel de Kerkennah. GRID-GenĂšve, Plan Bleu et GWP Med.Dumestre M., Janson A.-L., de Bettignies T. (2022) Etude de faisabilitĂ© pour la Liste Rouge des EcosystĂšmes des herbiers de phanĂ©rogames marines de France mĂ©tropolitaine. Rapport PatriNat (OFB-CNRS-MNHN), 41 p |
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