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Dans l’article “Histoire du Crabe Bleu de Kerkennah“, Chapitre 1. Portunus Cauchemar du littoral, nous vous présentions Portunus, le crabe bleu qui fait les pire cauchemars de la méditerranée et de ses fonds marins. Dans ce nouveau chapitre, nous vous proposons un petit conte légendaire qui, espérons-le, ne vous laissera pas indifférent.

Il était une fois Zoé, “La star bleue indestructible” et la chaine alimentaire

Il était une fois un bateau en provenance des océans qui accosta sur le port de Sfax. Il fit le chargement et naturellement vida ses ballasts au fur et à mesure afin de stabiliser les opérations. Les crabes transportés dans ces réservoirs depuis de longues semaines venus des océans indien et pacifique, ont eu le temps de pondre des œufs sur leur abdomen et une fois matures, le parent hôte, les libère donnant ainsi naissance à une larve appelée Zoé.

Zoé, fille héritière de notre Portunus segnis (crabe bleu) se faufila dans les ballasts pour y voyager et être libérée, de port en port, et ici dans le port de Sfax…. Vous connaissez la suite, l’invasion des crabes bleus devint une vraie opportunité pour ceux qui on su la saisir, propulsant les exportations de chair de crabe convoitée en Asie et dans le Golfe tout en détruisant tout sur son passage dans les fonds marins !

Conclusion de cette histoire : Merci Darwin !

Cette petite histoire est racontée par plusieurs pécheurs de Kerkennah. Comme un conte légendaire, elle nous apporte un message essentiel. Il s’agit de comprendre comment ce crabe bleu a pu arriver dans le golf de Hammamet et envahir peu à peu l’espace méditerranéen, de Tunisie en Italie, jusqu’au détroit de l’Ebre en Espagne ou sur les côtes méditerranéennes de France, au point que l’Union européenne et les chercheurs engagent des actions avec les pêcheurs et les autorités locales pour comprendre le phénomène et en juguler les effets délétères (voir notre article Festival des crabes bleus à Kerkennah).

Cela ne serait aucunement problématique si l’écosystème pouvait absorber les effets de sa présence et de son développement…. Le coeur du sujet est ainsi posé ! La majorité de ses prédateurs, en charge de cet équilibre, n’est pas présente en méditerranée et notamment dans le golf de Gabès ! Plus exactement ses prédateurs naturels, comme le poulpe est péché à tort et à travers, en saison et hors saison, réduisant son impact, pourtant central, dans la chaine alimentaire. Résultat logique, Portunus prolifère et devient pratiquement indestructible, détruisant quant à lui la chaine alimentaire locale.

Lorsque les pécheurs ont vu ce crabe dans leurs nasses et leurs filets déchiquetés, mangeant de plus en plus tout sur leur passage, c’est avec beaucoup d’humour et de “maktoub” qu’ils lui ont donné le nom de Daech…. Voilà une explication comme une autre de la découverte et de la notoriété de ce crabe bleu venu d’un autre océan, venu de loin, par l’entremise de l’activité de l’Homme loin d’être conscient de l’impact de ses agissements.

Maintenant, nous savons. L’ignorance a un coût élevé, alors éduquons sous toutes les formes, de 7 à 77 ans ! Et pour vous qui lisez de 7 ans à … Voici un petit jeu interactif sur les iles Galapagos qui d’une certaine manière, parle pour sa petite sœur, l’archipel de Kerkennah. Vous pourrez y découvrir les espèces endémiques et ce lieu qui fit de Darwin, l’un des penseurs brillants de l’interdépendance, de l’adaptation et de l’écosystème !

Comment Portunus devint Fortunus

A toute chose malheur est bon” dit le dicton ! Et bien, après 13 années de prise de conscience (lente) par les institutions internationales, puis après 4 années de constat alarmant sur le littoral méditerranéen et à Kerkennah, les choses bougent.

Scientifiques, observateurs, acteurs politiques et pêcheurs intègrent la perturbation de l’écosystème par Portunus et par voie de conséquence semblent rétablir, ensemble, un certain équilibre. Devenu si envahissant, la question de sa valorisation s’est faite jour. En bien ou en mal, Portunus devient Fortunus ! Regardez cette vidéo sur la coopération Franco-tunisienne pour valoriser Portunus et profitez aussi de la belle présentation de la spécificité de l’archipel !

Formés à ce nouvel eldorado de la méditerranée, les pécheurs investissent dans des nasses polyvalentes pliantes, plus efficaces pour attraper la star bleue. Ce matériel adapté est subventionné via une aide financière de l’État tunisien incitant ainsi les pêcheurs initialement victimes de Portunus, à en pêcher autant que possible, chaque aide étant calculée à partir de chaque kilo pêché et vendu.

Mais c’est toute une chaine de valeur qui s’adapte. En effet, une fois péché, la star bleue des mers est prise en charge par des usines de congélation pour l’export car la demande asiatique et vers le Golfe, pour sa chair fine et riche en protéines, est une opportunité commerciale qui ne peut que répondre aux enjeux économiques de la pêche tunisienne et kerkennienne. Ainsi selon le ministère de l’Agriculture, en 2018, ce sont plus de 1.500 tonnes de crabes péchés, pour une valeur de 9 millions de dinars qui redonne le sourire aux assiettes de crustacés. Même si le continent tunisien semble moins enclin à en consommer, les villes côtières et les pays étrangers en sont friands ! Qu’à cela ne tienne des investisseurs étrangers et des cuisiniers passionnés font de cette star bleue, un met d’exception !

Souhaitons que la leçon soit véritablement tirée de cette expérience pour préserver l’écosystème marin et permettre aux poulpes comme aux poissons et aux crabes de poursuivre leur existence en harmonie et l’homme avec eux, ni plus ni moins.

Et terminons par cette image du farniente kerkennien, un soir entre amis, après une journée de pêche, autour d’une bière et d’un peu de chair de crabe cuit à l’instant sur le kanoun… Ainsi est la vie kerkennienne !

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A propos de l'auteur...

Mehdi Kachouri

Fondateur du site, Kerkenniens dans l’âme et passionné des iles de Kerkennah. Sans trop de chichi ni de paillettes, j’ai ouvert cet espace car depuis son origine, je souhaite pointer les beautés mais aussi les désastres de Kerkennah. Je vous invite à me suivre dans mes échanges si vous le souhaitez.

Comments

  1. Pierre Gassin    

    D’après le documentaire l’export du crabe est favorisé par l’état mais la pêche se fait principalement au kis (chalut) illégal. Ces grands filets détruisent les fonds marins et notamment la posidonie, herbe indispensable à la Méditerranée. C’est la source principale de la disparition des poissons locaux. Triste.

    1. Mehdi Kachouri    

      Merci, Pierre, pour ces éclaircissements sur le Crabe Bleu !

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